Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/81

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moi par le fait des mots « sans cause ». Les versets 23 et 24, qui disent qu’avant de faire sa prière il faut faire la paix avec celui qui a quelque chose contre nous, ces versets, qui auraient un sens direct et impératif sans les mots « sans cause », acquéraient également un sens conditionnel.

Il me paraissait cependant que Jésus devait avoir défendu toute colère, tout mauvais sentiment, et, pour qu’il n’en subsiste point, il exhorte chacun, avant d’aller offrir son sacrifice, c’est-à-dire avant de se mettre en communion avec Dieu, à se rappeler s’il n’y a pas quelqu’un qui est en colère contre lui. Si tel est le cas, que ce soit pour cause ou sans cause, il commande d’aller se réconcilier avec lui, et puis après d’offrir son sacrifice et de faire sa prière.

Oui, cela me paraissait ainsi ; mais, d’après les commentaires, il résultait que ce passage devait être interprété conditionnellement.

Tous les commentaires expliquent qu’il faut tâcher d’être en paix avec tout le monde ; mais, ajoutent-ils, si cela est impossible, vu la corruption des hommes, qui sont en hostilité avec toi, il faut te réconcilier dans ton âme — en idée, et alors l’hostilité des autres contre toi ne sera pas un obstacle à ta prière.

Ce n’était pas tout. Les mots : « Qui dira Raca ou insensé est grandement coupable » me paraissaient toujours étranges et absurdes. S’il est défendu d’injurier, pourquoi choisit-on comme exemple des mots aussi ordinaires, — presque pas injurieux ? Et puis, pourquoi de si terribles menaces envers ceux auxquels échapperait une injure aussi faible que ce mot « Raca », qui veut dire « un rien du tout ». Tout cela était obscur pour moi.