Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dernière grande excursion que Töpffer a conduite au cœur de la Suisse, la plus importante, celle du moins où, comme en prévision de sa fin prochaine, il a rassemblé le plus de souvenirs, de résultats d’observation ou d’expérience, son voyage de 1842 autour du mont Blanc et au Grimsel. Maintenant qu’on a sous les yeux l’ensemble des vues, des écrits et des croquis de Töpffer, c’est le cas de bien expliquer la nature de son talent comme peintre des Alpes, et de bien fixer le genre de son invention, le caractère à la fois naïf et réfléchi de son originalité. Je tâcherai de le faire ici, non pas en zigzag, mais avec suite et méthode, de manière à montrer à tous en quoi consistent l’innovation et l’espèce de découverte réelle du charmant artiste genevois.

Töpffer était né peintre, paysagiste, et son père l’était ; mais forcé par les circonstances et surtout par le mauvais état de sa vue de se détourner de l’expression directe que réclamait son talent et où le conviait l’exemple paternel, il n’y revint que moyennant détour, à travers la littérature et plume en main : cette plume lui servit à deux fins, à écrire des pages vives, et à tracer, dans les intervalles, des dessins pleins d’expression et de physionomie.

Le paysage, considéré comme genre à part et comme objet distinct de l’art, n’est pas chose très-ancienne. M. de Humboldt, dans un des volumes du Cosmos, a traité du sentiment de la nature physique et du genre descriptif, en les suivant aux diverses époques et dans les différentes races ; il a aussi traité de la peinture du paysage dans ses rapports avec l’étude de la nature. Il établit que, dans l’antiquité classique proprement dite, « les dispositions d’esprit particulières aux Grecs et aux Romains ne permettaient pas que la peinture de paysage fût pour l’art un objet distinct, non plus que la poésie descriptive : toutes deux ne furent traitées que comme des accessoires. » Le sentiment du charme particulier qui s’attache à la reproduction des scènes de la nature par le pinceau est une jouissance toute moderne. À la