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comme emblème des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides. » Et revenant aux peintres flamands, il s’attache à montrer que leur faire n’est pas, comme on l’a dit, toute réalité, mais bien plutôt tout expression, que ce faire est « plus fin, plus accentué, plus figuré, plus poétique qu’aucun autre, et si éloigné d’être servilement imitatif de la nature, que c’est par lui au contraire que nous apprenons à voir, à sentir, à goûter dans une nature d’ailleurs souvent ingrate ce même charme que respirent les églogues de Théocrite et de Virgile ». Il en donne chemin faisant un exemple. Au moment où ces réflexions lui viennent (car c’est en voyage qu’elles lui viennent, sur la route de Viège dans le Valais, alors qu’il se dirige vers la vallée de Zermatt), il rencontre une bergère :

« … Plus loin c’est une bergère qui tricote en suivant sa vache le long des touffes d’herbe dont la route est bordée. Le soleil frappe sur son visage basané, et ses cils fauves ombragent un regard à la fois sauvage et timide. Potter, où êtes-vous ? car c’est ici ce que vous aimez ; et, en effet, dans une pareille figure ainsi peignée, ainsi accoutrée, ainsi indolente et occupée, pauvre et insouciante, respire dans tout son charme la poésie des champs. Mais cette poésie, il faut un maître pour l’extraire de là, belle, vivante et vraie tout à la fois ; sans quoi vous aurez ou bien une Estelle à lisérés, qui ne rappelle que romances et fadeurs, ou bien une vilaine créature, qui ne remue que d’ignobles souvenirs. »

Au dix-septième siècle donc, il y eut la grande et originale école de paysagistes qui rendirent tour à tour la beauté italienne dans ses splendeurs et son élégante majesté, et la nature rustique du Nord dans ses tranquilles verdures, ses rangées d’arbres le long d’un canal, ses chaumines à l’entrée d’un bois, en un mot dans la variété de ses grâces paisibles, agrestes et tou-