Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/171

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n’est qu’à moitié engageante. On délibère. Jean Payod affirme que nous avons le temps d’escalader le col sans encombre, à la condition de décharger le mulet pour cheminer plus vite. Chacun donc reprend son sac, Jean Payod tire sa bête, et nous voici tout à l’heure rampant le long d’affreux rochers, sous le dais sévère d’une nuée qui n’est qu’à quelques toises au-dessus de nos têtes. À mi-chemin les flaques de neige, et au sommet un plateau de glace irrégulièrement découpé. Ce spectacle a sa beauté, mais il est saisissant de tristesse et d’abandon, et, en vérité, l’on est bien aise d’être vingt-cinq pour en jouir, plutôt que d’avoir à le contempler tout seul assis au frais sur un bloc de névé. Du reste, tout est voilé du côté du mont Blanc, et nous n’avons en vue que les sommités qui, comme celles où nous sommes, se trouvent dans ce moment encore au-dessous du dais de nuées. M. Töpffer avait compté faire déballer les vivres sur le col, et ce n’est pas l’appétit qui fait défaut ; mais ce dais lui fait ombrage ; d’accord avec Jean Payod, il donne bien vite le signal du départ.

La descente sur ce revers est d’une rapidité si grande que, sans la nature du sol, qui est un terreau ardoisé et ramolli par la souterraine filtration des eaux, elle paraîtrait à la fois longue et difficile ; mais comme un replat ne manque pas de s’y former à chaque pas sous le poids de votre personne,