Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/176

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nécessité de faire un à droite qui nous approche d’un maître taureau. Léonidas le touristicule, qui a ouï dire que les taureaux craignent l’écarlate, profite de l’occasion pour agiter sous le regard de l’animal sa bourse vide qui se trouve être justement de cette couleur, et l’expérience est sur le point de réussir à merveille, quand un cri avertit M. Töpffer : apostrophe soudaine, confiscation immédiate. Maître taureau, qui voit que la provocation n’était pas sérieuse, veut bien se remettre à paître, et tout est dit : nous jouons des jambes.

Plus loin, c’est une bergère qui part pour les hauteurs en tirant après elle son mulet chargé. Les mulets ont leurs idées encore plus peut-être que les bergères. Celui-ci entend nous considérer à son aise, et ni résistance ni coups ne sauraient l’en détourner le moins du monde. Le voilà donc qui fait trois pas, dix pas pour la bonne règle, après quoi il s’arrête, la bergère s’arrête, et il braque sur nous yeux et oreilles. Ce manège dure longtemps, en sorte que l’on jurerait que c’est lui qui mène sa meneuse, non pas à volonté seulement, mais à simple caprice. Rien n’est beau d’ailleurs, alpestrement parlant, comme ces fortes bêtes, si noires, si lustrées, si veloutées, et chez lesquelles il y a assez de grâce et d’élégance pour que leurs caprices mêmes ressemblent encore plus à une coquetterie qui rehausse qu’à une obstination qui déplaît. Avec cela, ils lâchent des ruades à faire frémir rien que d’y penser.

Nous arrivons aux Mottets. Les vivres sont déjà déballés, et il ne s’agit plus que de se chercher une salle à manger dans le pâturage. C’est très-difficile, parce que le sol y est partout émaillé, non pas de fleurs, mais de