Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/177

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cette chose dont se frottent les bramines. Enfin voici, derrière une étable qui nous abrite contre le vent, un tas de pierres non embraminées : l’une sert de nappe, les autres servent de sièges ; une organisation s’improvise, et le repas commence, plein, solennel, mélodieux d’appétit baryton, coupé de brefs points d’orgue entre le gigot qui finit et le jambon qui commence : on garde l’épaule. Tout le monde est d’avis de garder l’épaule. L’épaule est donc remballée, et c’est comme si l’on remballait pour une autre fois tout le plaisir que nous venons de prendre.

Cependant il fait horriblement froid, et ce grand glacier tout proche transit rien qu’à le voir : nous entrons dans le chalet. Mais que faire dans un chalet à moins que… Ô heureuse idée ! Ô miracles de la prévoyance ! Il se trouve que plusieurs ont apporté de Genève des flacons d’essence de négus, et le chalet peut nous fournir justement et seulement les trois autres ingrédients nécessaires : le vin, le sucre et le feu. « Mademoiselle, dit aussitôt Canta à la femme de l’hôte, n’y a-t-il pas d’objection à faire bouillir du vin ? — En voilà une, lui répond la femme en lui présentant une marmite. » Ganta bien étonné, et Murray pas du tout, qui prend la marmite, vide le vin, demande le sucre, et préside avec une rare intelligence à ces charmants apprêts. Pendant ce temps, la caravane,