Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/182

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et les replats échelonnés. Et comme au-dessous de la couche de terre où croissent ces arbustes et ces herbes ce ne sont plus que blocs irrégulièrement entassés qui se touchent seulement par leurs angles, laissant entre eux des galeries et des cavernes, les marmottes y abondent, qui s’en font leurs appartements. Tout en marchant, nous entendons les sifflements de ces animaux, et plusieurs à notre approche regagnent prestement leurs trous.

Au crépuscule, nous nous trouvons en face du glacier de la Brenva ; c’est le plus colossal, le plus étalé de tous ceux qui descendent dans cette vallée. L’on dirait une immense tenture brodée d’argent, parsemée d’émeraudes, d’opales, d’aigues-marines, qui, suspendue aux plus hautes aiguilles du mont Blanc, tombe perpendiculairement sur l’Allée blanche et en balaie le fond de ses somptueux replis. Tant de grandeur, au crépuscule surtout, alors que la voix sonore des eaux semble grossir à mesure que l’ombre s’étend, alors qu’au milieu d’opaques noirceurs ces glaces seules apparaissent comme de pâles fantômes, ne laisse pas que d’effaroucher un peu l’imagination, et madame Töpffer en est à déclarer qu’elle aime autant regarder ailleurs qu’à la tenture.

Rincés et transis, nous arrivons enfin à l’auberge de Cormayeur. Elle est excellente, cette auberge. Seulement la campagne, c’est-à-dire la saison des bains, étant close, l’hôte n’y est plus, le barbier non plus, le boucher non plus, ni personne, excepté les quatre murs, l’hôtesse, du feu, un bon souper et trois touristes pekoe. Nous nous accommodons