Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/181

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froids, de gris perlés, de blancs métalliques, à la splendeur des prairies, au sourd des abîmes, au mât de rochers, à l’éclat nacré des glaces. Premiers et gauches mais naïfs essais de ce grand poëme qui est encore à faire.

Nous descendons la Seigne à la course, mais sans échapper pour cela à la pluie, qui nous atteint près du lac Combal. Ce lac que nous avons vu une autre fois si calme et si riant, il est à cette heure ridé, frissonnant, vrai miroir d’intempérie et d’orage. Après en avoir côtoyé la rive droite, on le traverse à son embouchure, et de là jusqu’à Entraves, tout près de Cormayeur, l’on marche à la base ou sur le flanc d’une immense morraine. Comme on sait, chacun des glaciers qui descendent de là-haut pousse devant lui de vastes amas de rocs et de boucs : c’est là ce que les géologues appellent des morraines. Par des causes qui tiennent ici à la configuration de la montagne et à la direction des couloirs dans lesquels se meuvent les glaciers, ces amas parallèles les uns aux autres barrent d’abord obliquement la vallée, jusqu’à ce que, faute de place, ils s’y unissent enfin en un seul rameau, qui, grâce à sa masse, d’un côté résiste, mais non pas sans outrages et sans déchirures, à l’assaut du glacier, de l’autre donne asile aux arbustes, aux herbes, aux chèvres, qui en aiment la rampe bossuée