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doigts roulent les grains d’un chapelet, et que la langue murmure des prières.

Nous ne sommes pas catholique, assurément, mais nous sommes plus ou moins de toutes les religions sincères, et c’est au milieu de catholiques que nous avons éprouvé souvent, aussi bien ou mieux qu’au milieu de nos propres coreligionnaires, ce sentiment de chrétienne sympathie que fait naître le spectacle d’une humilité véritable. C’est que le catholicisme a ceci de bien, qu’en vertu même de son principe d’infaillibilité pontificale et traditionnelle, il ploie et subjugue pleinement les âmes, en sorte qu’il donne à ses adeptes sincères ce trait d’ingénue soumission qui manque trop souvent aux adeptes, sincères aussi, mais émancipés, mais raisonneurs, mais militants du protestantisme. Ceci soit dit non pas en faveur d’un principe dont autant que qui que ce soit nous repoussons le joug, mais bien au profit d’un autre principe que, nous autres protestants, nous sommes trop enclins à méconnaître ; c’est qu’une chrétienne religion n’existe réellement pas en dehors de l’assujettissement intime et volontaire de l’âme, et que c’est n’être ni assujetti ni humble que de soumettre les larges et lumineuses vérités de l’Évangile à la continuelle appréciation de notre savoir et de notre raison ; que de vouloir incessamment en formuler les mystères chacun, homme ou secte, à notre manière ; que de nous diviser orgueilleusement à ce sujet, au lieu de nous agenouiller avec simplicité d’esprit et de cœur devant le livre qui est l’autorité et la règle de notre foi commune. Et, en effet, être chrétien, être vrai disciple de Jésus-Christ, c’est bien moins, à l’en croire lui-même, admettre ou ne pas admettre telle doctrine théologique, entendre dans tel ou tel sens un dogme ou un passage, que ce n’est assujettir son âme tout entière, ignorante ou docte, intelligente ou simple, à la parole d’en haut, pas toujours comprise, mais toujours révérée ; pas toujours formulée en savante doctrine, mais toujours prise pour conseillère et pour guide dans le secret du cœur et dans la pratique de la vie. Voilà pourquoi, en tous lieux, en tout temps, et comme par l’effet d’un invincible penchant, nous avons toujours été plus porté à reconnaître notre coreligionnaire véritable dans l’humble, même alors que sa croyance se trouvait être en quelque point erronée ou superstitieuse à nos yeux, plutôt que dans le raisonneur, dans le juge et arbitre, dans le tout petit docteur suprême qui a soumis chaque point de doctrine ou de dogme à l’approbation de son savoir, même alors que sa croyance se trouvait être d’ailleurs conforme à la nôtre.

Ce n’est donc qu’après avoir en quelque sorte assisté à l’office que nous