Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplir d’effroi Jean Payod lui-même. Voici : de cette cime étroite qui se dresse au-dessus d’un précipice épouvantable, il s’est hasardé à passer d’une enjambée sur une arête toute voisine et un peu inférieure ; puis de là, posant un pied sur des rocailles en saillie, se cramponnant des mains à des fissures à portée, il s’est agréablement penché sur l’abîme… Alors Jean Payod et ses compagnons se sont fâchés tout rouge, puis, n’y pouvant rien, ils ont pris le parti d’abandonner à sa destinée cet équilibriste déterminé. Tous ensemble nous redescendons au couvent.

Par un beau temps, le plateau où est situé le couvent paraît plus riant encore que sauvage, surtout à l’heure du soir, quand le soleil couchant dore de ses paisibles feux ces mêmes roches qui, dans les jours nuageux, attristent le regard par la froide crudité de leur teinte verdâtre. Pendant le temps qu’a duré notre expédition, la plupart des pèlerins ont repris le chemin de leurs vallées, en sorte que, au mouvement d’il y a quelques heures, a succédé ce calme qui se marie si bien aux douces impressions d’une belle soirée : aussi mettons-nous à profit les instants pour aller visiter, à l’autre extrémité du lac, la place où s’élevait naguère un temple de Jupiter. Le sol en cet endroit seulement est tout parsemé de briques, et les Pères, au moyen de quelques fouilles qu’ils y ont pratiquées, en ont extrait cette quantité assez considérable d’ex-voto, de statuettes, de médailles qui, réunis au couvent, y forment un intéressant petit musée. Et comme nous