Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/245

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Le primitif néanmoins a déjà commencé. Tout en montant nous discernons des hameaux embraminés jusque par delà le seuil des cabanes, des jeunes hommes timides, des vieillards patriarches, des femmes, des enfants qui, au lieu de tendre la main sur notre passage, nous considèrent d’un regard hospitalier. Mais le plus primitif de la chose, c’est encore notre homme de confiance, un Valaisan du tout vieux type, carré de taille, paisible d’humeur, solide de sens et habillé de laine. « Et que faut-il bien penser de votre révolution ? lui demande M. Töpffer. — C’est à savoir. Il y a du mieux et il y a du pire. Pour nous autres, le plus clair, c’est que nous achetons le sel à meilleur marché. — Et que disent vos gazettes ? — L’une dit blanc, l’autre dit noir, juste de quoi s’y embrouiller… Voyez-vous, les gazettes, c’est bon qu’à donner la malice aux simples, et plus d’un dans ces montagnes s’y est adonné qui est devenu querelleur, sans s’être fait plus savant… Ohe ! ga ! ga !… Ohe ! sancre de saume ! Ohe ! ga ! ga !… — Attends !… — » C’est le roussin qui promène les pâtés dans un plant de chardons. Un coup de sabot dans la panse l’a bientôt remis dans la voie.

Insensiblement la côte, escarpée d’abord, s’est adoucie, et tout à l’heure, arrivés sur une prairie doucement inclinée, nous distinguons, comme au travers d’une argentine gaze, un tranquille Élysée où le sentier se divise en nombreux filets qui conduisent les uns au travers de frais herbages, les autres le long de majestueux bouquets de cèdres et de mélèzes jusqu’au seuil de maisonnettes éparses. Ce sont les Mayens. Nous