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au rapide regard de l’artiste exercé pour se laisser retracer par l’amateur inhabile, réduit qu’il en est à se faire scrupuleux par gaucherie et copiste par inexpérience. Après quelques moments passés ainsi sur le seuil de ce Mayen, nous exprimons à nos hôtes toute notre gratitude pour leur accueil hospitalier, et nous nous apprêtons à continuer notre voyage.

Ce nom de Mayens, appliqué tantôt à l’endroit, tantôt aux habitations, a peut-être été remarqué du lecteur, et, au surplus, ces belles solitudes, ces douces cabanes, cette hospitalité exercée à notre égard dans un lieu si écarté et sous des formes si simples par des personnes qui appartiennent à la première noblesse du pays, ont dû éveiller chez lui l’envie d’en savoir davantage sur toutes ces choses. Qu’à cela ne tienne, nous allons le satisfaire. Aussi bien est-ce pour nous un plaisir que de consigner ici des ressouvenirs que l’éloignement embellit et colore, quand déjà c’est du sein de l’agitation des villes, et du milieu des brumes de l’hiver, que le cœur aspire avec le plus de force à rebrousser vers les impressions de calme agreste, de vie cachée, de beaux jours obscurément écoulés sur la lisière des forêts, dans la compagnie toujours aimable des ruisseaux, des rochers et des prairies.

Il y a bien des années déjà que, passant à Sion au commencement ou à la fin de nos tournées d’automne, il nous est arrivé d’y entendre parler de familles établies aux Mayens, ou qui étaient sur le point d’y monter. Mais qu’est-ce donc que vos Mayens ? disions-nous aux gens ; et ils nous montraient au loin, au haut, sur la montagne qui est au midi de la ville, et à la droite de la vallée d’Hérens, je ne sais quelle croupe à peine plus fleurie que les autres ; en sorte que notre curiosité s’en trouvait plutôt déjouée que satisfaite. Que si pourtant l’idée nous était venue de remonter à l’étymologie du mot, nous en aurions compris le sens ; mais on ne s’avise pas de tout, et c’est hier seulement que cette étymologie nous a été occasionnellement signalée par le maître de ce manoir où nous avons été introduits. Les Mayens, nous disait ce bon vieillard tout en apprêtant des provisions qui allaient l’y précéder, tirent leur nom du mois de mai. Déjà en avril les neiges ont disparu de ces prairies ; mais c’est mai qui leur donne leur parure, et alors nos familles y montent pour ne plus redescendre à Sion qu’à l’approche des frimas. Ceci, messieurs, tient à des coutumes anciennes, et plusieurs y sont fidèles.

Telle est l’étymologie de ce mot, et le lieu qu’il sert à désigner répond dignement à ce qu’elle présente de poétique. C’est un plateau mollement ondulé qu’enserrent au midi les escarpements supérieurs de la montagne ;