Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/275

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marque pour les survenants le couloir qu’il faut prendre. De cette façon, personne ne s’égare ; et nous voici tout à l’heure réunis, moutons et bergers, guides et mulets, sous les grands hêtres qui au bas de la montagne cachent le hameau de Reiche. Un ruisseau coule auprès, et aux rocs épars qui forment dans les prairies voisines, ici des tertres gazonnés, là des îlots cernés d’orties, l’on connaît que ce doucereux a ses jours de fureur où il fait des siennes.

Nous retrouvons ici la grande route qui court d’abord au pied des rochers, et plus loin le long d’escarpements incessamment minés par le Rhône. Le paysage serait charmant, n’étaient des monticules qui, ci et là, sortent du lit du fleuve tout exprès pour lui donner l’air de baigner des demi-lunes et des contrescarpes. Ces monticules, en effet, sont réguliers, anguleux, stériles, bêtes comme des remparts ; sans les rendre plus pittoresques, une sentinelle à l’angle leur donnerait au moins un caractère. L’un d’eux est percé de trous carrés qui paraissent avoir été taillés de main d’homme, et, à ce sujet, Rayet le bleu ne tarit pas en épopées qui s’engouffrent à mesure dans ses trous à lui. Pour l’autre, le vert, il est tout là-bas encore, dans les couloirs de Reiche, qui se pendrait avec la corde du bac si seulement on lui en montrait un petit bout.

Dans quelques parties du Valais les riverains du Rhône travaillent à conquérir sur le fleuve des terrains cultivables, et c’est communément là où le niveau des flots est à peine de deux ou trois pieds au-dessous du niveau de la plaine environnante. Alors, de la rive, ils jettent des digues faites de pierres et de troncs d’arbre enchevêtrés qui s’avancent oblique-