Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/343

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ses frais. Puis la toile se lève de nouveau : c’est Lucifer et ses démons qui, dans une sorte d’intermède, hurlent avec fureur les tourments qu’ils endurent et les méchancetés dont Kühnrich va se faire le barbare instrument envers l’infortuné Edelbert, père de la pieuse et douce Rosa.

Parmi les seconds, nous relèverons quelques-uns de ceux qui tiennent aux acteurs, aux costumes, à quelques scènes particulièrement caractéristiques ou frappantes. Tous ces hommes, montagnards hâlés et vigoureux, conservent sous le déguisement de leur rôle une physionomie étonnamment forte, et l’on dirait que l’éclat du costume ne fait que rehausser la rudesse de leurs traits dans la proportion justement qui convient à la perspective de la scène. Leur élocution est raboteuse, lente, monotone ; leur geste monotone aussi, composé, bizarrement expressif, mais empreint au plus haut degré de dignité solennelle et imposante. Ceci ne nous étonne point ; car non-seulement ces acteurs-là sont remplis de candeur et bien plus propres évidemment à ressentir des émotions réelles qu’aptes à en feindre l’expression dramatique ; mais c’est partout le propre de la scène à ses premiers commencements que d’être digne, idéale, et comme emphatique d’émotion comprimée et d’enthousiasme contenu. L’art, en se développant, réduit à un jeu exquis ce qui était primitivement sérieux avec gaucherie ; et si l’expression habile des passions véhémentes et des sentiments compliqués est le triomphe des scènes perfectionnées, l’expression fruste des passions tempérées et des sentiments simples n’y conserve plus ce pouvoir salutaire de captiver les esprits sans les blaser, et de toucher le cœur sans y porter le trouble.

Quant aux costumes, ils nous ont surpris autant, les uns, ceux des