Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/344

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seigneurs et des chevaliers, par leur richesse et par leur vérité, que les autres par leur naïve bizarrerie ou par leur lugubre apparence. Ainsi Rosa, l’héroïne, porte cette robe à taille courte qui était encore de mode dans les premières années de l’empire, et que l’on retrouve dans d’anciennes gravures sur la personne même de l’impératrice Joséphine : de plus, un petit sac à ouvrage en satin vert est suspendu à son bras, et ce petit sac ne la quitte ni dans les coins, ni dans les forêts, ni dans l’adversité, ni dans la prospérité. D’autre part, les personnages qui appartiennent au civil sont vêtus comme des conseillers aux requêtes, ou encore comme des procureurs en fonction. Mais où se remarque un singulier caractère de tristesse vraiment tragique, c’est dans le costume du prisonnier Edelbert et de ses deux compagnons de captivité. Outre que leurs cachots, disposés sur les deux côtés de la scène, se composent de deux cages grillées dans le fond desquelles, et durant qu’à l’extérieur la pièce chemine, on croit entrevoir ces malheureux chargés de chaînes et affaissés sous le poids de la douleur et de la faim ; au moment de leur délivrance, et alors qu’ils paraissent enfin à la lumière du jour, l’on découvre des fantômes hideux d’abandon, de dénûment, d’incomparable misère. Cet effet, sinon dramatique, du moins très-théâtral, est dû non pas seulement à la plaintive lenteur de leurs accents débiles et à la torpeur de leur attitude, mais surtout à l’étrangeté de leur costume bordé de mousses desséchées et de ces filasses d’un vert pâle qui pendent aux rameaux des sapins. Employés à cet usage, les ingrédients expriment à la fois la décoloration, la moisissure, le