Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/438

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rattraper, et le chien qui aboie… Pendant ce temps M. Töpffer, qui vient d’entreprendre de se faire la barbe à l’eau froide, à chaque coup de faux cabriole, tempête et pousse des cris affreux qui viennent se perdre incompris dans le grand océan du vacarme universel. Vers huit heures pourtant le calme renaît, et nous nous hâtons de déjeuner. Bien différent d’un dîner réchauffé, qui, selon le poëte, ne valut jamais rien, un déjeuner rattrapé vaut un franc, sans moins, et il est saupoudré de cendres, odorant de fumée.

Au delà de Modane, on passe devant le fort de Bramant. Comme tous les forts, celui-ci est sinistre de meurtrières, d’embrasures, de murailles sans fin, de sentinelles qui grillent tristement sur l’angle d’un bastion ; mais le site au milieu duquel il se déploie en constructions échelonnées est d’une grande beauté, d’un majestueux caractère. Ce sont des rochers tourmentés, déchirés, isolés les uns des autres, ici, par des fossés creusés de main d’homme ; là, par des abîmes naturels, et lorsque accidentellement le ciel s’harmonise en sévérité avec ces aspects de destruction et de stérile nudité, l’on croirait avoir sous les yeux le modèle de quelqu’une de ces compositions où Martins cherche à traduire les plus sombres tableaux de l’Apocalypse. D’ailleurs, et nous l’avons déjà indiqué, la Maurienne est une vallée peu pittoresque, pauvre de végétation comme de culture, et dont les montagnes, sans avoir encore aucun caractère italien ou méridional, ont déjà perdu celui qui est propre aux Alpes de Suisse ou de Savoie. Voir Termignon, où nous arrivons tout à l’heure :