Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/443

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Nous sommes transis de froid. Aussi la première opération, c’est d’allumer un grand feu. Mais voici qu’à la lueur du foyer l’on découvre qui ?… les deux servantes, blotties tout à côté de l’âtre, derrière un grand bahut à farine. Effarées d’abord, la présence d’une dame au milieu des brigands les rassure, sans trop de peine elles reprennent courage, puis, se mettant à notre service, elles s’en vont de ce pas au poulailler chercher querelle à un vieux coq qui, couché depuis une heure, comme font les gens rangés, est bien loin de s’attendre à cette lugubre apparition. Le pauvre animal passe des bras du sommeil dans les bras de la mort, et les deux filles s’occupent de le plumer. Sur ces entrefaites, le voyageur David prend mal, chancelle, et tombe à la renverse. « Qu’est-ce, qu’est-ce, mon cher David ?… — Cela va, répond-il, déjà beaucoup mieux, mais je voudrais avoir une cuvette à ma disposition. — Une cuvette ! une cuvette ! » crie-t-on ; et des saladiers arrivent à la file, au milieu desquels David se fait le plus joli petit établissement du monde.

La seconde opération, bien moins aisée, c’est de mettre la table. Des détachements sont envoyés à cet effet dans toutes les directions, et au moyen d’une chaîne, comme dans les incendies, assiettes de tout âge et de tout sexe, couteaux de toute forme, verres, gobelets, carafons, parviennent des extrémités au centre où madame T*** arrange, pendant que M. de Saint-G*** rince, sous la protection de l’arque-balaisier Pillet. Il manque des chandelles : on trouve deux bouts de cierge parmi de la camomille sauvage. Il manque des fourchettes : Oudi les découvre dans