Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/448

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de mettre les mains à l’air pour lui rendre la politesse. Au delà, quittant la grande route, nous nous lançons dans un ravin, et, vers onze heures, par le plus beau soleil du monde, nous faisons notre entrée à Suze.

À Suze, la foire, c’est-à-dire des étalages sans nombre, une foule animée, des charlatans qui pérorent, des moutons qui bêlent, des camarades qui festonnent, et notre troupe qui gagne l’auberge. Pendant la buvette, entrent deux muses : violon et guitare, et la chose commence, au grand contentement de M. Töpffer, qui répond aux difficiles de la troupe : « J’aime encore mieux cela que rien. » Eux de rire. « Mais lequel donc, reprend très-sérieusement M. Töpffer, aime le mieux la musique, de celui qui ne peut tolérer que la bonne, ou de celui qui, plutôt que de s’en passer tout à fait, se régale de la médiocre elle-même ? D’ailleurs, ajoute-t-il, ce violon est crincrin et cette guitare est fêlée, mais ces dames sont Italiennes, et, à cette cause, leur exécution a de l’abandon, du trait, une saveur un peu commune mais agréable pour qui est à jeun ; je la compare, moi, à cette friture piémontaise, commune aussi, et poivrée encore plus, mais dont le petit haut goût d’ail vous plaît, messieurs les affamés, plutôt encore qu’il ne vous détourne d’y revenir par trois et par quatre fois. »

Après le repas, nous retournons à la foire. Éventails, chaînes de sûreté, tabatières, cadeaux de prix, sont échangés entre les voyageurs sans qu’aucun ait lieu de s’y ruiner. Pendant ce temps, M. Töpffer va chercher les lettres à la poste. Il y trouve un administrateur en chef aussi respectable que prévenant. « Que vous faut-il, monsieur ? — Des lettres. — Parlez. — Des lettres de Genève. — Parlez. — Des lettres adressées à M. Töpffer. — Parlez… » Et le dialogue durerait encore, sans un tiers