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concierges sont parfaitement empressés, quoiqu’il leur soit enjoint de ne recevoir aucune gratification. Au sortir des papyrus, nous courons de nouveau sur la place du Pô pour y voir passer le roi : c’est pour nous un objet plus rare et plus curieux que ce qu’on voit dans les musées. Chose singulière, le roi a tout autant de poussière sur sa royauté que nous jadis sur notre roture. Ça fait plaisir. Et comme il salue sans cesse, nous attrapons un de ses saluts que nous gardons pour nous.

Cependant Oudi entre chez un marchand et s’y fait montrer des cannes. Une surtout le tente qui est plus haute que lui de trois pouces, et il se dispose à l’acheter, lorsqu’il s’aperçoit qu’il n’a plus le sou. C’est qu’Oudi place volontiers son numéraire dans des poches trouées, d’où, par la porte, il descend, se disperse, se sème ou se loge. Aussi, le soir quand il se déshabille, Oudi a des surprises ; il trouve des fonds dans sa chemise, dans ses bas, dans ses souliers, et c’est au fond ce qui le rend acheteur hardi, spéculateur entreprenant, parce qu’il n’est jamais sûr de n’avoir pas beaucoup d’argent sur sa personne.

Après le dîner, MM. G*** reviennent nous prendre pour nous conduire à la terrasse du couvent des Capucins, où nous arrivons au soleil couché. De là on voit tout le Piémont, la Lombardie et l’immense chaîne des Alpes, dont les dentelures hardies contrastent merveilleusement avec les douces lignes de la plaine. Mais nous ne jouissons qu’à demi de ce beau spectacle, car notre séjour à Turin touche à son terme, et c’est en soins domestiques et en préparatifs de départ qu’il nous faut employer le reste de cette radieuse soirée.