Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/459

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état-major se compose de quatre grandes personnes, la chose n’est vraiment pas aisée à découvrir, aussi le basset dépisté ne sait pas mieux faire que de branler la queue tantôt pour l’une, tantôt pour l’autre, avec une risible sollicitude. Pendant que nous parcourons les salles, arrive un Turinois qui, ayant appris notre venue par le bruit public, s’en vient nous accueillir et nous faire avec son frère les honneurs de la ville. C’est M. V*** G***, ancien tout petit élève de M. Töpffer, aujourd’hui grand et beau jeune homme, gai, expansif, hospitalier, comme le sont en général tous les Italiens, Piémontais ou autres, à qui nous avons eu affaire. Nous passons donc sous l’amical patronage de ces messieurs.

Au sortir du palais, nous allons visiter le magnifique pont qui a été récemment construit sur la Doire : cet ouvrage est merveilleux de hardiesse et de perfection. Mais le plus amusant de la chose, à notre gré du moins, c’est d’aller se poster sous l’arche elle-même contre la culée du pont, pour y faire jaser un écho qui prend la peine de répéter quarante fois chaque parole qu’on lui dit. Comme on peut bien croire, chacun de nous, arrivé à l’endroit, s’empresse de faire l’épreuve, et rien ne saurait donner l’idée de l’active, de la dévorante volubilité que déploie cet écho pour répondre quarante fois de suite à tous et à chacun, successivement et à la fois. L’idée nous vient de donner à nos amis une représentation du moulinet de la Grande-Croix, et tout en trottant, frappant, heurtant : La clef, la clef ! s’écrie-t-on,… vite, vite ! Ici, ici, ici !… Bon, bon, bon !… Ces quelques mots jetés précipitamment et relevés, multipliés, emmêlés, repris, renvoyés en toute hâte, reproduisent la scène d’une manière si frappante, si accrue en vacarme et en comique, que nous partons d’un éclat de rire général qui nous est renvoyé sur le temps en quarante éclats de rire généraux… Plusieurs alors, qui ne s’attendaient pas à celle-là, suffoquent, tombent, se roulent par terre ; l’hilarité du pont ne fait qu’en redoubler, la nôtre que s’accroître, et c’est d’épuisement que plus tard on redevient sérieux. Ah ! la bonne aubaine, et qu’une dose comme celle-là de désopilement colossal fait de bien aux côtes, au cœur, à l’âme !

Du pont nous passons au marché aux bœufs et à d’autres édifices publics d’une construction aussi belle que bien entendue, puis aux musées d’histoire naturelle, d’anatomie, d’antiquités, mais surtout au musée égyptien, le plus célèbre à juste titre entre tous les musées du même genre. Nous y trouvons un jeune docte tout occupé de déchiffrer les hiéroglyphes d’un papyrus, et qui met la plus aimable complaisance à nous expliquer la nature, le but et les procédés de ses travaux. Dans tous ces musées les