Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/471

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Ici ce n’est pas un hôte, c’est une hôtesse. Mauvais symptôme ! Les hôtesses, en effet, ont le cœur plus dur que les hôtes, la griffe plus acérée, l’œil plus vautour, et l’idée de proie à dévorer leur écarquille mieux la narine.

Cette hôtesse est grosse, grande, grenadière, accorte, leste, propre, active, parleuse, un beau bonnet bouffant et deux énormes frisons sur les tempes… Affreux symptôme ! En effet, plus une hôtesse est douée de ces qualités-là, plus, par exemple, elle met les poings sur les côtés, et plus elle fait frissonner un honnête homme, timide pigeon en face de cette grande épervière !

M. Töpffer cherche à traiter ; il voudrait obtenir, composer ; il voudrait des garanties, des accommodements ; mais l’épervière le joue, le berne, le pelote. Il voudrait mettre les points sur les i, elle les ôte ; il voudrait rester libre, elle le lie ; il voudrait se débattre, elle l’étreint dans ses serres ; finalement il se rend à discrétion. Le déjeuner est servi ; il est excellent, délicieux, mémorable.

Au moment de partir, M. Töpffer pousse un soupir et s’en va régler le compte. « Eh bien, madame, à combien mettrons-nous ce déjeuner ? — C’est un déjeuner de quarante sous que je laisse à trente et que vous voudriez à vingt-cinq. (Les épervières lisent dans les cœurs.) — À trente, madame, je partirai peu content ; à vingt-cinq, je partirai enchanté du déjeuner, du prix, mais surtout de l’hôtesse. — Monsieur, vous payerez vingt-cinq sous ; voici votre note, elle était faite avant que vous l’eussiez demandée. »