Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/566

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imparfaitement, même chez Pascal, la ferveur de son humilité et le rigorisme outré mais respectable de ses croyances ; d’autre part, croire à la vertu, y avoir une foi ingénue, généreuse, est un acheminement à y tendre et le plus puissant encouragement à la pratiquer. Aussi, bien avant que le commerce des hommes nous eût enseigné à voir en eux des créatures parfaitement susceptibles d’aimer et de vouloir le bien, parfaitement capables de le chercher et de l’accomplir, déjà ce trait d’Alexandre et du médecin Philippe, si éloquemment commenté par Jean-Jacques, nous avait révélé ce qu’il y a de grand dans la foi au bien, ce qu’il y a de corrupteur et de décourageant dans la défiante suspicion de tous les motifs et dans la négation intime de la vertu. Au surplus, tout en payant ici notre tribut de gratitude à ce philosophe, nous sommes loin de penser que la lecture de ses écrits soit salutaire au grand nombre des esprits jeunes encore et peu formés. Pour ceux qui sont sains et bien préparés, elle les gâterait infailliblement ; pour ceux, au contraire, qui prématurément introduits dans le cercle brillant des encyclopédistes, y ont déjà succombé sous la séduction de leurs paroles ou chancelé sous l’atteinte de leurs sophismes, elle les relève, elle les fortifie, et en les passionnant elle les sauve.

Demain seulement, à la Mûre, nous apprendrons que le monsieur qui nous a offert ce soir une généreuse hospitalité se nomme Champoléon ; qu’après avoir commencé par se faire ouvrier tanneur à Lyon, il s’éleva par sa conduite et par son travail à une condition meilleure, et que, possesseur aujourd’hui d’une belle fortune, il est revenu se fixer avec sa famille dans le pays de ses pères.