Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/110

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— Un horrible mal… répondit-il, et sans remède… L’un de mes fers, trop étroit pour ma jambe, a provoqué une enflure qui, pressée par le métal… Aïe ! s’écria-t-il en s’interrompant.

— Achevez… achevez, pauvre homme !

— … Me fait souffrir les plus cruelles tortures. C’est ainsi que, privé de tout sommeil, je vous voyais travailler cette nuit.

— Infortuné ! et vous ne demandez pas qu’on vous soulage ?

— Ils ne me visitent que tous les cinq jours… Aïe… Encore trois… et je leur demanderai…

— Oh ! que vous me faites pitié ! Ne pourrais-je donc…

— Rien ! rien ! pauvre enfant… Il faudrait… mais je sens déjà que votre pitié me soulage… il faudrait pouvoir… Ohé !… Aïe ! aïe !…

— Il faudrait pouvoir ?…

— Miséricorde ! miséricorde !… le sang coule !… pouvoir user un peu le fer…

— Une lime ! m’écriai-je, une lime ! Attendez ! dans ma Bible…




J’avais une lime (car, à travers mon latin, j’étais un peu menuisier comme Émile) ; je la mis précipitamment dans le livre. Mais, après avoir lié tout avec une ficelle, je me souvins avec désespoir que j’étais enfermé. Cependant le prisonnier continuait à se plaindre de la façon la plus lamentable, et chacun de ses cris me déchirait le cœur. Aussi je songeais déjà à forcer la serrure de ma porte, lorsqu’à la vue d’un chiffonnier qui passait dans la rue j’éprouvai le plus vif plaisir.