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cœur, jusqu’à ce que les larmes coulassent de mes yeux et vinssent me soulager…

Mon autre ami fut mon oncle Tom. Je lui dis tout ; et quand je lui contai mon stratagème, je ne trouvai dans son cœur qu’indulgence et bonté. Ému de ma tristesse, il y entrait pour sa part, sans la comprendre toute ; et, quand le soir il me voyait sombre, il approchait doucement sa chaise de la mienne, et nous demeurions en silence, unis tous deux dans une même pensée. Puis, par intervalles : — Une fille si sage ! disait-il dans sa simplicité naïve… une fille si belle !… une fille si jeune !… Et je voyais, à la lueur du foyer, une larme poindre dans sa vieille paupière.

Enfin le temps aussi vint à mon aide. Il me rendit le calme et d’autres plaisirs, jamais de semblables : j’avais enterré là ma jeunesse.


III.


Que le cœur est fidèle quand il est jeune et pur encore ! qu’il est tendre et sincère ! Combien j’aimai cette juive, à peine entrevue, sitôt ravie ! Quelle angélique image m’est restée de cet être fragile, charmant assemblage de grâce, de pudeur et de beauté !




L’idée de la mort est lente à naître. Aux premiers jours de la vie, ce mot est vide de sens. Pour l’enfance, tout est fleuri, naissant, créé d’hier ; pour le jeune homme, tout est force, jeunesse, surabondante vie ; à la vérité, quelques êtres disparaissent de la vue, mais ils ne meurent pas… Mourir ! c’est-à-dire perdre à jamais la joie ! perdre la riante vue des campagnes,