Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/177

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plicité ; tandis que son cœur, humain plutôt que sensible, généreux plutôt qu’ardent, et point usé par les déceptions et les défiances, avait retenu certaine verdeur juvénile qui se manifestait dans ses sentiments et dans ses procédés. Et, comme il arrive quand les vertus n’ont pas coûté d’effort, nul orgueil, nulle froideur ; une modestie vraie, une bonté candide et certain charme d’innocence paraient les aimables qualités de cet excellent vieillard.

Aussi, malgré les opinions plus ou moins étranges et contradictoires qui pouvaient flotter et coexister dans l’esprit de mon oncle, ou y établir entre elles une lutte, en dépit des principes de morale ou de conduite qui pouvaient logiquement découler de ces opinions, ses habitudes portaient toutes l’empreinte de l’honnêteté la plus sévère et de la plus vraie bonté. Si, à la vérité, la semaine s’écoulait dans de laborieuses recherches qui le préoccupaient tout entier, il consacrait le dimanche à un décent et tranquille repos. Dès le matin un vieux barbier son contemporain rasait son visage, apprêtait sa perruque ; puis, vêtu d’un habit marron neuf, quoique d’une coupe antique, il se rendait à l’église de sa paroisse, appuyé sur sa canne à pommeau d’or, et portant sous le bras un psaume proprement relié en peau de chagrin et fermé de clous d’argent. Assis à sa place d’habitude, il écoutait le sermon avec une consciencieuse attention ; et, sans doute, nul plus que lui n’apportait de la candeur à s’en appliquer les leçons. Sa voix cassée se mêlait aux chants ; puis, après avoir déposé dans le tronc son offrande, large, mais toujours la même, il rentrait au logis ; nous dînions ensemble, et la soirée était consacrée aux paisibles promenades dont j’ai parlé.