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derrière eux l’aïeul lui-même se ragaillardit au bruit de ces plaisirs d’un autre âge.

Et ce ne sont là que les préludes. Ils arrivent sous la charmille : la fraîcheur, le repos, une table servie, les convient à la fois ; et, quels que soient les mets, l’appétit et le bonheur leur prêtent une saveur charmante. Les hasards, même fâcheux, d’une cuisine rustique ne sont qu’un sujet de gaieté, une bonne fortune pour cette société rieuse. Cependant l’aïeul est entouré d’égards, on lui fait le régime qui lui agrée, le bruit se tempère pour lui ; chaque jeune homme s’honore de lui témoigner du respect, heureux de se faire ainsi un titre de préférence auprès de la petite-fille du vieillard.

Ce sont d’aimables moments que ceux qui suivent. Les groupes se dispersent, et les robes blanches brillent çà et là sur les gazons d’alentour. Sous l’impression du soir, de paisibles entretiens, plus d’intimité, un doux abandon, succèdent à la folie du banquet, et le terme de la journée qui s’approche rend les instants plus précieux. Aussi ne nié-je point que, tandis que les parents sont demeurés à causer autour de la table, ou sommeillent en quelque lieu tranquille, il ne s’échange quelques propos tendres ; que le plaisir de s’écarter de la foule ne soit bien vif, bien palpitant d’alarmes et de bonheur ; qu’il n’y ait quelque mécompte enfin, lorsque de la charmille s’échappe le signal de réunion et de départ. Mais où est le mal ? et de quelle façon plus honnête ces jeunes gens apprendront-ils à se connaître, à s’aimer et à se choisir pour époux ? Oui, ces parents qui causent ou qui sommeillent ont raison de ne point craindre ce que d’ailleurs ils ne veulent point voir ; ils ont pour garant le souvenir de leur mutuelle honnêteté,