Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/255

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vous êtes !… Aller danser, n’est-ce pas ? quand ces femmes se morfondent !

Pendant ce débat, les toitures enflammées venaient de s’écrouler avec un fracas terrible que suivit un moment de silence ; car l’immense foule, les yeux attachés sur ce spectacle, avait suspendu son travail..... On entendait distinctement le pétillement des flammes, auquel se mêlait le sourd retentissement d’une pompe qui arrivait en cet instant d’une commune éloignée. Un homme à cheval survint qui cria : Courage ! courage ! mes amis, on est bientôt maître du feu. Plusieurs personnes l’entourèrent aussitôt, et je l’entendis qui leur disait : Le feu gagne le quartier neuf, il vient de prendre aux foins de la Balance. Nous manquons de monde. Trois hommes ont péri !… Puis il reprit le galop, et disparut. À l’ouvrage ! cria-t-on de toutes parts, à l’ouvrage ! le feu est au quartier neuf ! Je fus entraîné par la foule, et je me trouvai bientôt former un anneau de l’immense chaîne.

Je n’eus pas d’abord le temps de me reconnaître. Les seaux se suivaient avec une rapidité continue ; et, faute d’habitude ou d’adresse, je donnais à chacun une secousse qui faisait jaillir l’eau contre moi, au grand détriment de ma toilette. J’en étais fort contrarié, car je n’avais point renoncé encore au projet d’aller au Casino. Je voulus tirer mes gants ; mais ils étaient si bien collés à mes mains, que je dus renoncer à cette opération, pour laquelle il m’eût fallu beaucoup plus de temps qu’on ne m’en laissait. Je me trouvais placé sur le quai, tout près de l’endroit où la chaîne aboutissait à la rivière par des degrés qui descendaient jusque sous l’eau. Là, par un froid intense, des hommes en blouse, dans l’eau jusqu’aux genoux, remplissaient les