Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/254

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si commun aujourd’hui, qu’un homme bien élevé ose à peine s’adresser aux passants, même en employant les formes les plus polies. Mais une autre voix vint interrompre ces réflexions :

— Hé ! l’amateur aux gants blancs, un peu d’aide par ici. On vous fera place…

Je marchai d’un autre côté, vivement blessé de cette insolente et familière apostrophe.

— Ici ! ici ! factionnaire ! amenez-nous ce joli cœur.

Indigné, je tirai sur la gauche.

— Holà ! ici, le marquis !

Exaspéré, je tirai sur la droite.

— Gredin ! si tu ne viens pas travailler, je te vas donner à boire !

Horriblement blessé dans mes sentiments les plus honorables, je me décidai à quitter cette détestable société pour me rendre de ce pas au Casino. — On ne passe pas ! me dit un factionnaire en me barrant le chemin avec son fusil.

— Permettez, monsieur, vous devez comprendre à ma mise que votre consigne ne s’adresse pas à moi. Je me rends au Casino.

— Au Casino ! mille tonnerres ! ne voyez-vous pas qu’on manque de bras ? À la chaîne ! marche !

— Savez-vous, mon ami, que vous pourriez avoir à vous repentir de votre brutale grossièreté ? Je veux bien ne pas vous demander votre nom, mais ôtez-vous de là à l’instant.

— Je m’appelle Louis Marchand, qui ne vous craint pas, chasseur au cinquième, capitaine Ledru. À la chaîne, canaille ! Croyez-vous donc que ces braves gens travaillent là dans l’eau pour leur plaisir ?… Casino que