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Je chassai bien vite ces scènes de luxe et de grandeur, pour retourner dans l’humble demeure de ma jeune amie ; mais j’avoue que je n’y rentrai déjà plus avec le même charme qu’auparavant. La simplicité des meubles me paraissait nue, les ustensiles de cuisine blessaient mes regards, et le ton commun de la voisine résonnait à mon oreille de la façon la plus ingrate. J’avais besoin, pour contre-balancer l’effet désastreux que faisaient ces choses sur mes amoureuses rêveries, de tenir mon imagination constamment occupée de la jeune enfant, dont le port, les traits, la voix et même le costume ne m’avaient rien offert que de noble et de gracieux. C’est en me maintenant ainsi toujours sur le même objet que je parvins à m’endormir avec des affections encore intactes. Dérangé bientôt par le retour de Jacques, je profitai d’un intervalle de demi-réveil pour me déshabiller et me mettre au lit.

Il est à croire que j’étais très-fatigué, car je ne fis qu’un somme jusqu’à deux heures après midi. Au moment où j’ouvris les yeux, la lumière du jour me frappa très-désagréablement, en venant contraster avec l’univers nocturne au milieu duquel mon imagination s’était endormie la veille. Je commençai donc par regretter la nuit, et surtout l’incendie, que, selon toute probabilité, je ne pouvais espérer de voir se renouveler le soir suivant ni les autres. J’en éprouvai un grand vide et beaucoup de découragement.

Mais j’avais du moins une démarche intéressante en perspective pour ma journée : je devais retourner chez ma jeune amie. C’était beaucoup, et je m’efforçais de m’en réjouir. Toutefois je crus reconnaître que dix heures de profond sommeil, et surtout le retour de la lumière du jour, avaient un peu effacé sa charmante