Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/287

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Alors je lui racontai tous les événements de la veille, tels qu’ils sont connus de vous, lecteur. Je ne lui cachai ni mon empressement ni ma tendresse ; car, si ces choses sont, pour une âme dégradée, des indices suspects, il en est autrement des caractères nobles, pour qui elles sont le plus sûr garant de la pureté du cœur et des procédés. Il m’écouta avec intérêt ; je crus voir plus d’une fois se peindre sur ses traits des signes de sympathie et d’approbation, je vis son regard m’absoudre et sa main prête à saisir la mienne… Aussi, lorsque, après avoir fini mon récit, je le vis rester immobile et silencieux, j’en éprouvai une vive indignation, et j’étais près d’éclater en paroles insultantes, lorsqu’il reprit :

— Ne vous fâchez point. J’ai écouté votre récit ; entre vous et cette femme je n’hésite pas. Pardonnez pourtant si, faisant violence à mes propres convictions, je vous refuse encore les paroles d’estime et de réparation que je désire vous devoir. Mais un autre témoignage plus fort, plus respectable, une personne intéressée à vous justifier, en cherchant tout à l’heure à vous disculper auprès de moi, a plus fait pour ébranler cette conviction que n’eût pu le faire toute voix accusatrice…

J’écoutais ces paroles avec une attente confuse, et le cœur agité des plus violents mouvements de colère, de mépris et de fierté.

Je ne veux rien feindre, continua-t-il. Mademoiselle S*, la cousine de madame de Luze, est ma parente. Il y a peu de jours que, consulté par sa famille, j’ai donné mon assentiment à son union avec un homme que, dans mon opinion, ses mœurs, son caractère, recommandaient mieux encore que son rang et sa fortune… à son union avec vous, monsieur. C’est votre parrain