Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/334

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toire, tant la grecque que la romaine et la moderne, est riche en traits tout pareils.

Il faisait fort chaud dans mon couloir ; toutefois, à cette élévation, la chaleur est tempérée par la vivacité de l’air ; d’ailleurs la beauté du spectacle que l’on a sous les yeux captive l’âme et fait oublier les petites incommodités qui, dans une plaine ingrate, paraissent quelquefois si intolérables. En me retournant, je voyais de fort près le dôme de glace du mont Buet… je crus voir aussi, pas bien loin, quelque chose qui bougeait derrière les derniers sapins que j’avais dépassés ; j’allai m’imaginer que ce pouvaient être les pieds dont j’avais vu la tête, en sorte que je continuai de marcher avec une croissante circonspection.

Malheureusement je suis né très-peureux ; je déteste le danger, où les héros se plaisent, dit-on ; je n’aime rien tant qu’une sécurité parfaite en tête, en queue et sur les ailes. L’idée seule que, dans un duel, on est exposé à voir une pointe d’épée en face de son œil droit, a toujours suffi pour me rendre d’une prudence grande, malgré mon naturel qui est vif ; d’une susceptibilité obtuse, malgré ma fierté qui est chatouilleuse. Et ce pouvait être ici pis qu’un duel, ce pouvait être un attentat sur ma bourse, ou sur ma personne, ou sur toutes les deux à la fois ; ce pouvait être une catastrophe épouvantable ; et personne pour en porter la nouvelle ! Quand cette idée me fut venue, je n’en eus plus d’autre, et elle me domina si bien, que je finis par me cacher parmi les rochers, pour observer de là ce qui se passait sur mes derrières.

J’observais depuis une demi-heure environ (c’est très-fatigant d’observer), quand un homme de mauvaise mine se hasarda à sortir doucement de derrière