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les sapins. Il regarda longtemps dans la direction des rochers parmi lesquels j’étais caché, puis il frappa deux fois des mains. À ce signal, deux autres hommes parurent, et tous les trois, chargeant un gros sac sur leurs épaules, se mirent à monter tranquillement, en fumant leurs pipes qu’ils rallumèrent. Ils arrivèrent bientôt ainsi à l’endroit même où j’observais, tapi contre terre, et ils s’y assirent sur leurs sacs, précisément comme les dix-sept. Par bonheur, ils me tournaient le dos.

J’eus tout le loisir de faire mes remarques. Ces messieurs me parurent fort bien armés. Ils avaient entre eux trois une carabine et deux pistolets, sans compter le gros sac, que mon imagination, fidèle aux leçons de l’histoire, ne manqua pas de remplir de poudre de Berne. Et je frémissais déjà à l’idée de quelque traînée, lorsque l’un d’eux, s’étant levé pour s’éloigner de quelques pas, déposa sur son sac sa pipe tout allumée. À cette vue, je recommandai mon âme à Dieu, et j’attendis l’explosion, tout en me serrant étroitement contre un roc sur l’abri duquel je comptais tout juste assez pour ne pas hurler de frayeur.

L’homme qui venait de s’éloigner avait gravi une hauteur d’où il jeta un regard d’observation sur la route qu’ils allaient parcourir ; puis, revenant vers ses compagnons : — On ne le voit plus, dit-il. — Tout de même, dit l’autre, ce gueux-là suffit pour nous vendre ! — Et je parie, interrompit le troisième, que c’est pour cela qu’il galope en avant. Un douanier déguisé, je vous le dis. Il s’arrêtait comme pour flairer, il regardait de ci, de là, et autre part… — Ah ! que nous ne l’ayons pas dépêché, ni vu ni connu, dans ce petit coin propice et solitaire ! Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas.