Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/340

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il y voit clair, et ne se mêle d’une affaire que lorsqu’il n’aperçoit au travers ni noise avec l’autorité, ni brouillerie avec ses voisins, ni frottement quelconque avec les carabiniers royaux ; d’ailleurs, le meilleur homme du monde : ce que je dis sérieusement, et pour l’avoir éprouvé en mainte occasion.

Mon naturel était donc le meilleur homme du monde ; mais cet homme attaché à un mélèze, ça ne lui sembla pas clair. Ce pouvait être de par l’autorité, ou de par quelqu’un ou de par autre chose. C’est pour cela qu’avant de s’avancer, il voulait me voir venir.

À la fin : — Fait un bien joli temps, me cria-t-il en souriant matoisement, et comme si j’eusse été là pour l’agrément de la promenade ; bien joli !

— Venez donc me délier, au lieu de me parler de beau temps, plaisant que vous êtes !

— On vous déliera assez. Y a-t-il longtemps que vous êtes là ?

— Il y a trois heures. Allons ! à l’ouvrage !

Il fit deux pas : — C’est-il rien des méchants qui vous ont ainsi arrangé ?

— Je vous conterai tout cela. Déliez toujours.

Il fit encore trois pas, et je crus que j’étais enfin arrivé au terme de mes tribulations, lorsqu’il se prit à dire à voix basse et d’un air mystérieux : — Dites voir ? C’est-il rien des gens de la contrebande ?

— Tout juste. Vous y êtes. Ces scélérats-là m’ont attaché dans ce bois, pour que je meure d’ici à demain qu’ils repasseront.

Ces mots firent un effet prodigieux sur le naturel. Il recula de frayeur, et fit mine de me planter là. Alors, ne pouvant plus contenir ma colère, je l’insultai et je le traitai comme le dernier des misérables qui ont, ou