Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/423

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comme lit une mère tendre qui fut institutrice dans sa jeunesse, avec une emphase didactique, d’après des principes raisonnés, et selon toutes les règles de l’épellation la plus strictement régulière, en sorte que c’était un charme de l’entendre. Après avoir replacé ses lunettes sur son nez, elle continua sa lecture :

« .......... Cette jeune fille était une de ces blanches figures de femmes qu’entoure comme d’un voile crépusculaire une bleuâtre auréole d’intimes tristesses. Condamnée par le sort à subir l’autorité d’un père incapable de comprendre les mystérieuses aspirations d’une âme qui cherche à combler les gouffres de son cœur et à compléter la réalisation de son être, elle se consumait en douleurs secrètes et en sanglots étouffés. C’est que cette plante, créée pour fleurir sur le radieux penchant des Apennins, avait dû germer au milieu des pentes froides de l’Helvétie, en sorte que, sur le point de s’épanouir en éclatante corolle, le vent glacé des hauteurs la forçait de s’emprisonner dans l’ingrate enveloppe de son pâle calice. »

« Cousin, quelle est donc cette plante ? demandai-je au célibataire posthume qui fumait à mes côtés. — C’est… c’est une délicieuse création de femme. (Mon cousin était dressé à répéter les expressions choisies de sa mère.) — Et ce livre, quel est-il ? Une impression de voyage. — Pas gaie ? — Non. — Triste ? — Très-fort. » — Et mon cousin, de qui ces questions, bien plus que les sanglots étouffés de la blanche figure de femme, troublaient la quiétude, se remit à fumer d’un air qui signifiait que, sans vouloir s’engager à écouter, il m’engageait néanmoins à le laisser tranquille.

« ...... Aussi, tandis qu’elle cherchait en vain, parmi les êtres positifs dont elle était entourée, celui qui devait