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J’obtins que la porte de la chambre, qui donnait sur celle où mes parents étaient à souper, demeurerait entr’ouverte, et le sommeil me délivra bientôt de mes terreurs.




L’année suivante mon aïeul mourut. Sa disparition ne me frappant par aucune image sensible, j’en fus moins touché que de la douleur de mon père, dont l’abattement et la tristesse me faisaient pleurer. On m’habilla de noir, l’on entoura mon chapeau d’un crêpe, et quand vint le jour des funérailles, je dus suivre le cercueil avec les hommes de la famille, tous comme moi revêtus de longs manteaux noirs.

Au sortir de la maison, je n’osai pas demander à mon père où l’on allait ; car, outre que son chagrin me rendait timide, j’étais moins familier avec lui que je ne l’avais été avec mon aïeul : c’est le cas ordinaire des enfants. J’avais oublié ce que ce dernier m’avait dit des morts et de la terre où on les porte, en sorte que je m’acheminais plutôt curieux qu’inquiet ; et lorsque j’eus entendu derrière moi mes grands-parents qui s’entretenaient de choses indifférentes tout en saluant les passants, la cérémonie cessa tout à fait de me paraître lugubre.

À la porte de la ville, le factionnaire présenta les armes, et les soldats du poste se mirent en ligne pour faire de même. Je ne savais pas que ce fût pour nous, mais j’y trouvais une distraction très-agréable. Néanmoins un des soldats, que je considérais de toute mon attention à cause de sa figure martiale, se mit à sourire en me regardant ; je crus qu’il riait de mon accoutrement, en sorte que je rougis, et je continuai à rougir