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LE CRI DANS LÀ NUIT

De Hué pour aller à Tourane au lieu du chemin de fer, si l’on aime mieux s’en tenir à l’antique route du col des Nuages, on loue un de ces sampans au ventre noir qui, toute la nuit, languissamment, vous bercent aux chants des mariniers.

Hubert et Christiane ayant emprunté, par surcroît, la « fumerie » d’un ami de Hué, sous l’étroit dôme de paille, tout plein d’un perfide parfum, les heures leur furent aussi légères que ces nuées blanches d’un jour d’août, dont on voit courir sur la prairie les ombres. Car si tous deux s’aimaient d’ordinaire, cela devenait, à travers le prisme de l’opium, une bien autre ivresse, et comme s’ils se fussent, elle et lui, découvert, sous le masque, on ne sait quel nouveau visage, mystérieux et charmant. Et Christiane, alors, se croyait un cœur sincère.

C’est ainsi que, se rendant à Changhaï — où Hubert devait la rejoindre, au retour d’une mission en Corée — elle avait, après New-York, San-Francisco, Honolulu, traversé le Japon. Elle y fut, une nuit, jetée hors de son lit par un tremblement