Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/104

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fonctions administratives. On l’avait surnommé dans le gouvernement Bourdaloue, non par allusion au célèbre prédicateur français, mais bien au mot bourde. Il pria Arcade Kirsanof et Bazarof d’assister à son bal, et deux minutes après réitéra cette invitation, les prenant pour deux frères et leur donnant le nom de Kaïzarof.

En quittant la maison du gouverneur ils rencontrèrent un drochki qui s’arrêta tout à coup ; un jeune homme de taille moyenne, vêtu d’une redingote à brandebourgs à la mode des slavophiles, sauta à terre, et s’écriant : « Eugène Vassilitch ! » courut à Bazarof.

— Ah ! c’est vous, herr Sitnikof, lui dit Bazarof en continuant à marcher. Comment êtes-vous ici ?

— Figurez-vous que c’est tout à fait par hasard, répondit celui-ci, et se tournant du côté du drochki, il fit cinq ou six fois signe de la main, en criant : Suis-nous, suis-nous ! Mon père, continua-t-il en franchissant le ruisseau, a une affaire ici, et il m’a prié… J’ai appris aujourd’hui votre arrivée, et je viens de chez vous… (Effectivement les deux amis trouvèrent en rentrant à l’auberge une carte aux coins pliés et portant d’un côté le nom de Sitnikof en français, et de l’autre en caractères slavons.) J’espère bien que vous ne venez pas de chez le gouverneur.

— Ne l’espérez pas ; nous sortons de chez lui.

— Ah ! dans ce cas je vais y aller aussi… Eugène Vassilitch, faites-moi faire la connaissance de votre… de Monsieur.