Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/163

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— C’est ce que j’ignore ; je ne veux pas me vanter.

Madame Odintsof ne répondit point, et Bazarof se tut. Le son du piano frappa leurs oreilles.

— Comme Katia joue tard ce soir, dit madame Odintsof.

Bazarof se leva.

— Il est très-tard effectivement, répondit-il, vous devriez vous coucher.

— Attendez, pourquoi vous presser… J’ai un mot à vous dire.

— Quel mot ?

— Attendez, répéta madame Odintsof à voix basse, et ses yeux s’arrêtèrent sur Bazarof ; elle semblait l’examiner attentivement.

Bazarof fit quelques pas dans la chambre, puis il se rapprocha tout à coup de madame Odintsof, lui dit brusquement : « Adieu ! » et sortit de la chambre après lui avoir pressé la main avec tant de force qu’elle faillit jeter un cri. Elle porta à sa bouche ses doigts encore collés l’un contre l’autre, souffla dessus ; puis, se levant précipitamment, elle se dirigea d’un pas rapide vers la porte, comme pour rappeler Bazarof. Une femme de chambre entrait avec une carafe sur un plateau d’argent. Madame Odintsof s’arrêta, lui dit de sortir, se jeta de nouveau dans le fauteuil, et se mit de nouveau à réfléchir. Sa tresse se dénoua et se déroula sur son épaule semblable à un serpent noir.

La lampe continua de brûler encore longtemps dans