Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/201

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je n’ai pas d’écusson, comme mon épouse bien-aimée… Mais ne vous serait-il pas agréable de venir ici à l’ombre, respirer avant le déjeûner la fraîcheur matinale ?

Arcade alla le rejoindre.

— Soyez le bienvenu, continua Vassili Ivanovitch, en portant sa main, comme font les militaires, à la calotte grasse qui lui couvrait la tête ; — je sais que vous êtes habitué à tous les raffinements du luxe, mais les grands de ce monde eux-mêmes ne dédaignent pas de passer quelque temps sous le toit d’une chaumière.

— Comment pouvez-vous m’appeler un grand de ce monde ! s’écria Arcade ; et puis je vous prie de croire que je ne suis pas du tout habitué au luxe.

— Permettez, permettez, reprit Vassili Ivanovitch d’un air gracieux ; quoique je me trouve placé à cette heure sous la remise, je me suis frotté au monde jadis, et je reconnais un oiseau à son vol. Je suis aussi un peu psychologue et un physionomiste. Aussi, si je n’avais point ce don, comme je me permettrai de l’appeler, je serais perdu depuis longtemps ; on m’aurait écrasé, pauvre petit ver de terre que je suis. Je vous le dirai sans compliment : l’amitié qui règne, à ce que je vois, entre vous et mon fils me réjouit extrêmement. Je le quitte à l’instant ; il s’est levé de très-bonne heure, suivant son habitude, que vous devez connaître, et court les environs. Permettez-moi une question : Y a-t-il longtemps que vous êtes lié avec mon fils ?