Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/221

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Mais ici mon père me répète continuellement : tu peux disposer de mon cabinet, personne ne viendra t’y déranger ; et lui-même il ne me quitte point d’un pas. D’ailleurs, je me ferais conscience en quelque sorte de lui fermer ma porte. Ma mère n’est guère moins gênante ; je l’entends qui soupire constamment dans sa chambre, et lorsque je vais la rejoindre, je ne sais que lui dire.

— Ton départ l’affligera beaucoup, et ton père aussi, répondit Arcade.

— Je reviendrai.

— Quand ?

— En retournant à Pétersbourg.

— C’est surtout ta mère que je plains.

— Pourquoi cela ? Est-ce parce qu’elle t’a fait manger de bons fruits ?

Arcade baissa les yeux.

— Tu ne connais pas ta mère, dit-il à Bazarof, non-seulement elle a le cœur excellent, mais elle est aussi très-intelligente. Nous avons causé ensemble plus d’une demi heure ce matin, et sa conversation est pleine de raison et d’intérêt.

— C’est sans doute moi qui en ai fait le sujet ?

— Nous avons parlé aussi d’autres choses.

— Il est possible que tu aies raison. On voit souvent mieux ces choses-là, de la galerie, comme au billard. Lorsqu’une femme peut soutenir une conversation durant une demi heure, c’est déjà bon signe. Mais tout cela ne m’empêchera pas de partir.