Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/310

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Arina Vlassievna devint attentive.

— Ne te fâche pas, je t’en prie, Eugène, continua Vassili Ivanovitch ; mais permets-moi de te tâter le pouls.

Bazarof se leva.

— Je te répondrai sans me tâter le pouls, que j’ai de la chaleur.

— Et tu as eu le frisson aussi ?

— Oui. Je vais m’étendre un peu, envoyez-moi une infusion de fleurs de tilleul. Je dois avoir pris froid.

— C’est donc ça que cette nuit je t’ai entendu tousser, reprit Arina Vlassievna.

— J’ai pris froid, répéta Bazarof en s’éloignant.

Arina Vlassievna se mit à préparer l’infusion, et Vassili Ivanovitch passa dans la chambre voisine où il se prit par les cheveux sans proférer une parole.

Bazarof resta couché tout le reste de la journée, et passa la nuit dans un état de somnolence lourde et fatigante. Ayant ouvert péniblement les yeux, vers une heure du matin, il aperçut, à la lueur de la veilleuse, la figure pâle de son père, qui se tenait à son chevet, et il le pria de se retirer ; le vieillard obéit, mais il rentra presque aussitôt sur la pointe du pied, et, blotti derrière la porte entr’ouverte d’une armoire, il continua à observer son fils. Arina Vlassievna ne se coucha pas non plus ; elle venait écouter à tout moment à la porte du cabinet la respiration d’Enioucha, et s’assurer que Vassili Ivanovitch était toujours à son poste. Elle ne pouvait distinguer que le dos immobile de son mari