Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’ayant rencontré à la tombée du jour dans un sentier étroit qui traversait un champ de seigle, elle se jeta, pour l’éviter, au milieu des grands blés entremêlés de bluets et d’absinthe. Il aperçut sa tête à travers le réseau d’or des épis derrière lesquels elle l’observait comme une petite bête fauve, et lui cria d’un air de bonne humeur :

— Bonjour Fénitchka ! je ne mords pas.

— Bonjour, murmura-t-elle sans quitter son abri.

Cependant elle commençait à s’habituer à lui peu à peu, quand sa mère vint à mourir subitement du choléra. Qu’allait-elle devenir ? Elle avait déjà l’esprit d’ordre et le bon sens qui distinguait sa mère ; mais elle était si seule, et Kirsanof paraissait si bon et si délicat… Il est inutile de rapporter ce qui suivit.

— Tu dis donc que mon frère est entré comme ça, sans façon chez toi, reprit Kirsanof ; il a frappé et il est entré ?

— Oui.

— Allons ! c’est bien. Laisse-moi bercer un peu Mitia.

Et Kirsanof se mit à lancer son fils presque jusqu’au plafond, à la grande joie du bambin et à la grande inquiétude de sa mère qui chaque fois qu’elle le voyait s’élever, tendait les bras vers ses petits pieds nus.

Quant à Paul, il avait regagné son cabinet élégant tapissé d’un beau papier, orné d’un trophée d’armes