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LA CEINTURE FLÉCHÉE


L’écheveau s’anima, précipita la roue,
Brûla les doigts de Jeanne et poussa le fuseau ;
Et le fil, bigarrant les mailles du réseau,
Sema les contours purs dans l’ordonnance floue.

La mèche s’allongea comme un flot des couleurs,
Et les pleurs de Jeannette, en perles de rosée,
Firent des ronds vermeils sur la laine croisée,
Gemmes opalescents qui buvaient les douleurs.

Pour consoler une âme, ô lice empanachée,
Tu fis naître un chef-d’œuvre inimitable ailleurs,
Car le Rêve et l’Amour furent les émailleurs
Qui mirent à leur feu la Ceinture Fléchée !

La trame éblouissante illumina la nuit,
Et Jeannot, tout ému de la lueur étrange,
Vit dans l’apothéose une flamme de frange
Nimbant le front aimé qui se penchait vers lui.

Son désir inconstant rentra par la fenêtre,
Et le tendre baiser qui fleura les cils d’or,
Comme un philtre divin, s’épanouit encor
Au front des fiancés dont l’âme vient de naître.