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Page:Tremblay - Arômes du terroir, 1918.djvu/54

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ARÔMES DU TERROIR

Il est demeuré franc comme ses vieux érables,
Et, comme eux, ses vertus profondément durables
Refusent de plier sous l’effort des autans.
Le premier bûcheron qui dans la poudrerie
Brava l’étouffement des neiges en furie,
Pour offrir un domaine aux graves habitants ;
Celui qui, le premier, au rythme de la hache,
Ouvrit dans la forêt au frémissant panache
Une trouée à la lumière et l’horizon,
Celui-là reste grand de sa grandeur obscure,
Car il souffla la vie à la chose qui dure,
Dans les poutres de sa maison.

Ce rouge toit de pruche est comme une semence
Jetée en un moment d’héroïque démence,
Dans une solitude où les persistants noirs
Dressent leurs croix de deuil sur la blancheur des neiges,
Où la maigreur des loups fait d’avides cortèges
Aux fauves andouillers surpris à l’abreuvoir ;
Mais la neige se fond sous la lumière ardente,
Et le sombre décor, fait pour l’Enfer du Dante,
S’illumine des feux du soleil printanier :
La plante croit, la fleur embaume, et la verdure,
Brisant le froid suaire avec la terre dure,
Livre l’humus au pionnier.