Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
PIERRE QUI ROULE

me qui avait le plus insisté pour faire destituer feu Luc Letellier.

« Malgré les trésors d’indulgence que je tiens à la disposition des esclaves de la politique, dont quelques-uns sont peut-être plus malheureux que coupables, je n’ai jamais pu me joindre à ceux qui se sont apitoyés sur le sort de Letellier, congédié pour avoir substitué sa volonté à celle des représentants du peuple.

« Des parents, des amis et des alliés politiques ont voulu orner son front de l’auréole du martyr. C’était non seulement inconvenant, mais fort maladroit. La postérité impartiale confondra dans un même sentiment de réprobation le despote Luc Letellier et son accusateur Réal Angers, devenu son imitateur après l’avoir flétri et dénoncé pendant treize ans.

« Ce qui m’étonna le plus, lors du coup d’État de 1878, ce fut d’abord la passivité pusillanime avec laquelle M. de Boucherville et ses collègues s’étaient laissé éconduire. Puis je me dis : Le peuple est conservateur, puisque les libéraux ne comptent qu’une douzaine de représentants à l’Assemblée Législative. Après un pareil acte de spoliation, ceux qui ont pris la responsabilité du coup d’État vont être balayés sur toute la ligne.

« À ma grande surprise, ils revinrent 32 contre 33. Les conservateurs avaient la majorité, mais la grâce libérale toucha le cœur de M. Arthur Turcotte, un conservateur que les libéraux choisirent comme leur candidat au poste de président de l’Assemblée Législative, et qui vota pour lui-même avec un désintéressement digne de passer à la postérité.

« J’étais loin de me douter alors que treize ans après, M. Mercier, devenu, tout-puissant dans la province de Québec, chargé de médailles et de décorations étrangères, porteur d’une belle culotte blanche achetée chez le bon faiseur, et muni d’une plaque qui aurait dû le