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PIERRE QUI ROULE

rendre invulnérable, serait chassé à son tour par l’un des dégommés de Luc Letellier, par le fougueux dénonciateur de ce dernier, Auguste Réal Angers, devenu à son tour lieutenant-gouverneur, et se réjouissant d’avoir l’occasion de jouer à l’autocrate.

« L’histoire devait se répéter non seulement dans l’infamie commise par le représentant de la couronne, mais encore dans le servile aplatissement de l’électorat devant les violateurs de la constitution. Décidément, ce bon public de la province de Québec aime les camouflets !

« Comme son devancier M. de Boucherville, M. Mercier, auquel on avait fait une réputation de fermeté aussi imméritée que la plupart des réputations politiques, courba l’échine et abandonna le pouvoir sur la simple injonction d’un homme qui n’avait évidemment pas le droit de le chasser.

« M. de Boucherville, qui avait été congédié en même temps que M. Angers, le 8 mars 1878, et qui avait trouvé Letellier bien coupable, n’hésita pas à couvrir de sa responsabilité le crime politique commis par M. Angers. Des élections générales eurent lieu et M. Mercier, l’idole de la veille, fut brisé comme un verre.

« Une seconde fois l’électorat venait de déclarer que le peuple n’est jamais si content que lorsqu’on lui crache à la figure, et qu’il est toujours prêt à se jeter dans les bras de ceux que, la veille encore, il ne pouvait sentir, dès qu’il constate qu’ils ont eu l’audace de lui rire au nez. Hourra ! L’absolutisme est grand, le servilisme est son prophète et l’avenir est aux enjambeurs de constitutions !

« La politique canadienne a des surprises à nulle autre pareilles, et ceux qui n’en sont pas encore complètement dégoûtés ont des tempéraments à l’épreuve de la dégoûtation. On n’arrive pas tout d’un coup à un pareil degré d’asservissement. Il faut qu’un peuple ait