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PIERRE QUI ROULE

dont l’aspect lointain est celui d’une énorme tour rectangulaire. Les goëlands dont les cris avaient, la nuit précédente, empêché Quéquienne de dormir, avaient jonché de leurs plumes les flots calmes arrosant la base de la masse escarpée qui brisait l’effort du vent.

C’était un dimanche et Quéquienne ayant rencontré à l’église le commandant Fortin, député de Gaspé, celui-ci l’avait invité à manger des foies de morue, un mets de la région, excellent lorsqu’il est préparé par un cordon bleu comme celui que le commandant avait jugé digne de pourvoir à l’alimentation de sa gigantesque stature. Pendant le repas, Quéquienne racontait au commandant qu’il s’était baigné à New-Carlisle en compagnie d’un M. Kelly lequel, étant très corpulent, avait été pris d’une syncope. Il se demandait si Jacques Cartier s’était baigné dans les eaux de la baie avant de la nommer Baie des Chaleurs. Le commandant lui dit : « Ici, les gens ne se baignent pas dans la mer. L’eau est trop froide. Nos pêcheurs, qui passent sur les flots la majeure partie de leur vie, ne savent pas nager. »

Ce voyage avait fortement intéressé Quéquienne. Il était monté au sommet du phare de Paspébiac, avait visité les grands séchoirs de morue des Le Bouthiller, avait rencontré à New-Carlisle deux autres de ses anciennes connaissances : M. d’Anjou, jeune avocat qu’il avait connu à la tribune des journalistes et le docteur Théodore Robitaille, alors lieutenant-gouverneur de la province de Québec. Il avait visité l’historique chapelle de Tadoussac, admiré les caps Trinité et Éternité, et contemplé avec un plaisir mêlé d’orgueil national les beautés naturelles du Saguenay, du bas du fleuve et de la Baie des Chaleurs.