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PIERRE QUI ROULE

le quai flottant. Au même instant le flanc du bateau, probablement repoussé par le contact avec le ponton, s’éloigna quelque peu de ce dernier, et Quéquienne tomba entre les deux. Un coup de nage lui avait permis de saisir l’une des chaînes qui pendaient le long du quai et qui étaient assujetties par les deux bouts. On l’avait vu tomber et le sauvetage fut promptement organisé. Quéquienne, à cheval sur la chaîne, n’avait perdu ni son chapeau, ni son parapluie, ni son imperméable.

— « Vous êtes bien là ? » lui cria-t-on, « attendez un peu et restez tranquille ». On lui descendit une échelle et les quelques témoins furent assez surpris de voir surgir, d’un endroit où la profondeur de l’eau était de 80 pieds, un monsieur en habit à queue, la tête couverte d’un chapeau haute-forme, avec un imperméable sur le bras et un parapluie à la main. On voulait l’envoyer chez lui en voiture ; mais, ce bain improvisé l’ayant un peu rafraîchi, il préféra s’y rendre à pied. Le lendemain, comme il retraversait à Québec pour se rendre à son bureau, avec un ami parfaitement au courant du plongeon de la veille, ils s’amusèrent à faire raconter l’incident par un témoin qui ne reconnaissait pas Quéquienne et qui les assura que personne ne l’avait reconnu.

Quéquienne avait averti les propriétaires de la Justice qu’il quitterait leur emploi au commencement d’octobre, lorsqu’un de ses lecteurs assidus vint lui proposer d’aller avec lui à l’exposition universelle de Paris. Quéquienne lui ayant répondu qu’il n’avait pas les moyens de se payer un pareil luxe, cet homme généreux offrit d’abord de lui payer la moitié de ses dépenses, et finit par offrir de les payer en entier. Dans ces conditions, Quéquienne ne pouvait décemment refuser.