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ADO — ADO


des vers Adoniens détachés des vers Saphiques. On trouve des exemples de tout cela dans les Anciens.

☞ Ce quatrième Vers est un Adonien. Claude Buret le premier, & après lui Ronsard, ont aussi fait des vers Adoniens en notre Langue, dans les Odes Saphiques qu’ils ont tâché d’imiter des Grecs & des Latins. Voyez Pasquier dans ses Recherches. L. IV. chap. 32.

ADONIES, ou ADONIENNES. s. mas. & plur. Adonia. Fêtes instituées à l’honneur d’Adonis, dans lesquelles les femmes imitoient les lamentations de Vénus après la mort d’Adonis, ensuite chantoient ses louanges, & se réjouissoient comme s’il eût été ressuscité ; ou plutôt, selon le sentiment de Meursius, cela faisoit deux fêtes en différens temps de l’année, à six mois l’une de l’autre ; parce que l’on s’imaginoit qu’Adonis passoit six mois avec Proserpine & six mois avec Vénus. Les Grecs, les Égyptiens & les Babyloniens célébroient cette fête, & donnoient le surnom de Salambon à Vénus, ou à la fête même, comme Lampridius l’a fait, en disant que Hélagabale célébra Salambon à la manière des Syriens, avec de grands cris & de grandes lamentations. Saint Jérôme parle de cette fête dans son Commentaire sur Ezéchiel viii. 14. La 31e Idylle de Théocrite contient une fiction jolie sur la mort d’Adonis ; mais ce n’est rien moins qu’une description de la fête Adonienne, comme un nouveau Dictionnaire le dit. La première Idylle de Bion pourroit bien plutôt passer, non pas pour une description de cette fête ; mais pour une lamentation propre à être chantée dans cette Fête. Voyez Meurs. De Græc. fer. p. 3. Castellan Eortologion imprimé à Anvers in-18°. & Beger, t. 1. p. 93 & 200, jusqu’à 207.

ADONIQUE. Voyez ADONIEN. adj. Terme de Poësie.

ADONIS, s. m. Adonis. C’est le nom propre d’un jeune homme d’une rare beauté, né de l’inceste de Cyniras, Roy de Chypre, & de Myrrha sa fille. Il fut tué par un sanglier ; & Vénus, qui l’avoit tendrement aimé, le changea en une fleur, qui fut teinte de son sang. C’est l’anemone rouge. Quelques Auteurs ont fait Adonis hermaphrodite. Les Egyptiens le prennent pour Osiris ; & Plutarque dit qu’il a souvent été pris pour Bacchus. S. Jérôme, sur Ezech. viii. 14. le prend pour Thammuz, dont parle Macrobe, Livre premier Saturn. C. 21. & Onomacrite pour le Soleil. On prétend que la fable d’Adonis n’est qu’une allégorie. Il est fils de Myrrha, dit-on, parce que la Myrrhe est agréable. On pouvoit ajoûter, & de Cyniras, qui en Phénicien signifie guittarre, parce que c’est un instrument de plaisir. D’autres prétendent qu’elle exprime le Soleil, & sa révolution annuelle, le bled. Adonis avoit un temple à Biblos en Phénicie. Les Jardins d’Adonis sont célèbres dans l’antiquité, & avoient passé en proverbe, pour signifier des Jardins délicieux, faits pour le pur plaisir.

On ne doute pas que le Paradis terrestre n’ait été le modèle sur lequel les Poëtes profanes ont formé les Isles fortunées, les Champs Elysiens, les Prez de Pluton, les Jardins des Hespérides, d’Adonis, de Jupiter, d’Alcinous. Huet. La conformité des mots, Jardin d’Eden, & Jardin d’Adon, peut bien avoir été l’occasion de ces Jardins consacrés à Adonis, que les Grecs, les Egyptiens & les Assyriens plantoient dans des vases de terre, & dans des paniers d’argent, pour en parer leurs maisons, ou pour les porter dans leurs processions ; quoique je n’ignore pas que les Mythologues, qui ont obscurci par leurs fictions la vérité de l’Histoire, rapportent l’origine des Jardins d’Adonis à ces laitues dans lesquelles Vénus mit son corps fraîchement tué. Id. Moschopulus fait venir ce nom de, je chante. C’est une erreur. Un nouveau Dictionnaire dit que Bochart remarque qu’Adon, en langue Phénicienne, ou Syriaque, signifie Seigneur. Cela est vrai ; mais c’est quand il s’écrit par un aleph, comme Adonaï dont nous avons parlé ; mais Adon peut s’écrire par un ain, & c’est de là que M. Huet prétend qu’il est dérivé ; alors Adon, signifie délicieux, beau, agréable. Certainement ce nom revient mieux à tout ce qu’on dit d’Adonis. Cependant il paroît que les Grecs l’ont tiré de אגצן, Adon, Seigneur, parce qu’ils l’ont appellé Ιτάι de ίτέα, un saule, parce qu’en Phénicien Adon, Seigneur, & Adan, saule, s’écrivent avec les mêmes lettres. Les Poëtes Grecs ont fait à l’envi


des vers sur la mort d’Adonis. M. Ménage a fait sur le même sujet un petit Poëme en vers Grecs Adoniques, qui mérite d’être comparé aux anciens, dans lesquels il a pris les pensées les plus délicates & les expressions les plus polies.

Adonis, s. m. Adonis. Fleuve de la Phénicie, ainsi appellé d’Adonis. Il se jettoit dans la mer de Syrie proche Biblos, où Adonis étoit particulièrement honoré.

Adonis, étoit aussi une danse des anciens Grecs, selon Meursius ; il est vrai qu’il y avoit chez les Anciens une danse dans laquelle un Comédien ou une Comédienne, imitoient Adonis. Cela paroit dans Arnobe, Liv. vii, & par Prudence περὶ στεφ, hymne 10, mais il ne suit pas de ces Auteurs qu’elle s’appelât Adonis, quoique cela soit vraisemblable.

Sallon d’Adonis. Anciennement on appeloit ainsi un Sallon de verdure & de fleurs, dont la mode étoit venue de Syrie. Œcus Adonidis. Appollonius trouva Domitien dans un Sallon d’Adonis. Fleury.

ADONISER. v. act. Rendre beau, propre ; donner un air galant. Ce verbe se trouve dans le Dictionnaire François-Latin in-4o Paris 1618. où Ronsard est cité. La Noue, qui l’a aussi employé dans son Dictionnaire des Rimes p. 320. col. 2. dit que c’est faire beau comme Adonis. Ce mot est encore dans Cotgrave.

Je suis adonisé, dites-vous, belle Iris.
Pourquoi s’en étonner ? la raison en est claire.
Pour voir une Vénus, Iris, & pour lui plaire.
Faut-il pas être un Adonis.

Poësies à la fin de la Vie de Pedrille del Campo.

L’envie que j’avois de paroître agréable à cette Dame, me fit employer trois bonnes heures pour le moins à m’ajuster, à m’adoniser ; encore ne pus-je parvenir à me rendre content de ma personne. Pour un adolescent qui se prépare à voir sa Maitresse, ce n’est qu’un plaisir ; mais pour un homme qui commence à vieillir, c’est une occupation. Gil-Blas.

Il dort le jour, il s’adonise,
Vit d’emprunt, dépense à sa guise… Du Cerceau.

Adonisé. part. pass. paré, galamment ajusté.

☞ S’ADONISER. v. pronominatif. Se donner des airs de beau garçon, affecter ces airs, s’orner avec affectation. Bellulum agere. Laissez ces Messieurs s’adoniser tant qu’il leur plaira, mais donnez-vous de garde d’en prendre les maniéres. Devoirs des P. d. Q.

Il s’écoute, il se plaît, il s’adonise, il s’aime.

Rousseau.

ADONISEUR. s. m. Celui qui adonise. Le Spectateur Suisse dit, en parlant d’un petit Maître, qu’un Barbier venoit de friser & de poudrer : tout cela s’est fait avec beaucoup de patience de part & d’autre, je veux dire de celle de l’Adonis & de l’Adoniseur. Merc. Déc. 1723. On voit par ce dernier terme, ajoute l’Auteur du Mercure, que notre prétendu Misantrope (c’est ainsi qu’il appelle le Spectateur Suisse) commence à s’humaniser avec le jargon du temps.

ADONNER. v. neut. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se donner, s’appliquer, s’attacher à quelque exercice, à quelque profession. Dedere se. Ce jeune homme s’est adonné à l’étude de la Jurisprudence. Celui-là s’est entièrement adonné aux Mathématiques.

Adonner, se dit des personnes que l’on voit, chez qui l’on va souvent. Comme il étoit Gascon, il s’adonna chez le Maréchal de Grammont. Bussi.

Adonner, se dit aussi en ce sens en parlant des choses où notre plaisir & notre inclination nous portent. Ce jeune homme est adonné aux femmes, au vin, au jeu : cet autre est adonné à l’étude, à la chasse, aux armes. Heureux celui qui s’adonne à la vertu.


On