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on voit une grande pointe qui avance vers la mer, derrière laquelle il y a une petite riviére. Allant plus avant, on voit un cap que l’on nomme le Cap des deux baies, dont les entrées sont étroites, & qui avancent dans les terres quinze ou seize lieues ; il y a force rochers dans ces baies qui sont dangereux, en ce que la mer y monte huit ou dix brasses, & les couvre ; on est obligé de mouiller l’anchre à quinze ou seize brasses pour être en sûreté : il y a plusieurs riviéres qui tombent dans ces baies, par le moyen desquelles les Sauvages vont dans celle de Saint Jean : d’autres par où ils vont dans des lacs, qui vont vers Campseaux & le cap Saint Loüis, qui est dans la grande baie de Saint Laurent. Ces baies s’appellent des mines, parce qu’il y a de ces pierres de mines dont on se servoit autrefois pour les arquebuses à rouet ; on dit aussi qu’il y a des mines de cuivre en plusieurs endroits. Dans ces baies il y a force montagnes dans les terres, & quelques-unes bien hautes : il y a aussi du plat-pays, & grand nombre de pins, sapins, prusse, mêlés d’autres bons bois, mais peu sur les bords de la mer. Tout le tour des deux baies a environ une lieue ou une lieue & demie. Plus avant dans les terres, il y a de beaux bois beaucoup plus clairs ; il se trouveroit là nombre de mâsure & de bordages, tant chênes qu’autres espéces.

☞ En sortant de ces baies des mines, & continuant son chemin vers le Port-Royal, il y a une isle d’une grande hauteur, & de cinq quarts de lieue de tour, ou environ. Elle est platte au-dessus, & nonobstant sa hauteur, il y a une source d’eau : on dit qu’il y a aussi une mine de cuivre. De-là rangeant la terre six à sept lieues durant, qui ne font que rochers, on trouve l’entrée du Port-Royal. Voyez Port-Royal.

☞ Sortant du Port-Royal, allant vers l’Isle Longue, à deux ou trois lieues, l’on trouve une grande anse où des vaisseaux peuvent mouiller : il y a bon fond, mais l’abri n’est pas général, & ce n’est proprement qu’une rade. Continuant le long de la côte six ou sept lieues, l’on trouvesdes anses & rochers couverts d’arbres jusqu’à l’Isle Longue, qui a environ six à sept lieues de long ; elle fait un passage pour sortir de la Baie Françoise, & aller trouver la terre d’Acadie. Il y a entre l’Isle Longue & la terre du Port-Royal, des rochers qui font le grand & le petit passage. Les courans y sont fort rudes, entr’aucres au petit passage qui n’est que pour des barques.

☞ Sortant de la Baie Françoife pour entrer en la côte d’Acadie, prenant la route vers le Cap Fourchu, qui est distant de l’Isle Longue de douze ou quinze lieues ; toute cette côte est saine & sans rochers ; & à six lieues de l’Isle Longue, il y a une riviére où de petits navires peuvent entrer ; elle se nomme la riviére aux Ours. Elle prend son nom du grand nombre qui s’y en trouve : il y a peu de pins & de sapins, mais quantité de chênes mêlés d’autres beaux arbres : le pays est beau & paroit assez plat ; il y a force prairies tout le long, & la terre y doit être très-bonne. Il y a, Pêche de morue à la côte & de fautnoms, truites & eperlans au haut de la riviére.

☞ Continuant jusqu’au Cap Fourchu, la côte paroît fort belle : il y a peu de sapins, mais beaucoup d’autres espéces de bois, & de grandes prairies. Il y a belle chasse tour le long de cette côte de toute sorte de gibier. En continuant la même route, on trouve à cinq lieues de la riviére aux Ours, une entrée entre deux rochers pour une chaloupe ; il y a quantité d’étangs d’eau de mer, remplis de canards, outardes, oies, cravans, sarcelles & tout autre gibier. Il y a quantité de beaux arbres ; le pays est plat, & la terre n’y peut être que très-bonne, la situation y est très-agréable ; il peut y avoir de-là au Cap Fourchu six ou sept lieues… Au Cap Fourchu la pêche de la morue est abondante & n’est pas loin de terre ; elle s’y fait plûtôt qu’en aucun lieu de l’Acadie. Le pays y est très-beau & très-bon ; pour les bois, ils font comme les autres, mais il y a des chênes, érables & trembles en plus grand nombre.

☞ Du Cap Fourchu allant au Cap de Sable, on trouve une grande baie, dans laquelle il y a force isles, qu’on appelle les Isles du Tousquet : elles sont toutes couvertes de beaux & bons bois, de mêmes espéces que les autres dont nous avons parlé ; il y a force prairies en ces isles,


où abondent toutes sortes d’oiseaux qui y font même leurs nids ; il y a des oies, grues, outardes, canards, sarcelles, hérons, beccasses, beccassines, corbeaux, tournevires, chevaliers, & tant d’autres sortes d’oiseaux, que cela est surprenant. Ce pays est des plus agréables & des meilleurs ; il est plat, & la terre y est très-bonne ; la pêche y est abondante en truites & saumons, & l’éperlan y donne au printemps en grande quantité, dans les ruisseaux où il vient jetter ses œufs : il est grand pour l’ordinaire comme un moyen hareng.

☞ On va de-là au Cap de Sable qui a des battures & des rochers au large ; néanmoins le port est bon, & la pêche de la morue y est abondante. Entre le Cap Fourchu & le Cap de Sable, trois ou quatre lieues en mer, il y a plusieurs isles, les unes d’une lieue, les autres de deux, trois & quatre de tour, que l’on nomme les Isles aux Loups marins, parce qu’ils vont là faire leurs petits, qui sont grands & forts ; elles sont assez difficiles à approcher, à cause des rochers qui sont à l’entour ; elles sont couvertes de sapins, bouleaux & autres bois qui n’y sont pas fort gros. Sur ces isles aux Loups marins, il y a un si grand nombre de toutes sortes d’oiseaux, que cela n’est pas croyable, & sur-tout pendant le printemps, qu’ils y font leurs nids. Si l’on y va, on en fait lever une si grande quantité, qu’ils font un nuage en l’air que le soleil ne peut pénétrer ; & pour les tuer il ne faut point de fusils, mais seulement des bâtons, car ils sont paresseux à se lever de leurs nids : pour des petits, on en prend tant qu’on veut, jusqu’à charger des chaloupes de ces oiseaux, & même de leurs œufs.

☞ De-là traversant la baie de Tousquet, on va trouver le Cap de Sable, qui est une isle qui fait une pointe qui avance dans la mer ; & entre la grande terre & l’isle, il y a passage pour des barques, mais au delà de l’isle vers l’eau, il y a des rochers & battures qui avancent une bonne lieue en mer. Les ayant passées environ de deux lieues, l’on entre dans la baie de Sable, qui est fort grande. Les navires y peuvent mouiller en toute sûreté. La terre est platte dans le fond de cette baie, les arbres que j’ai nommés ci dessus y sont très-beaux ; il n’y a pas si grand nombre de sapins. Plusieurs ruisseaux tombent dans cette baie ; il s’y pêche du poisson, de petites morues, maquereaux, plaises de mer, &c. & aux entrées des ruisseaux force éperlans au printemps. Il y a aussi une riviére où il se pêche du saumon & de la truite ; & tirant vers le Cap de Sable, l’on y trouve nombre de coquillages, comme coques, bourgos, moules, coutelliéres & autres coquilles, & des houmars fort gros. On trouve quantité de belles prairies en montant cette riviére, & le long des ruisseaux qui s’y déchargent.

☞ Sortant de la baie de Sable, continuant son chemin, on apperçoit un petit cap ou pointe, & quelques isles qui sont le long de la côte, couvertes d’arbres & de sapins ; il y a force oiseaux tout autour, qui y viennent faire leurs nids au printemps ; la côte en est aussi pareillement garnie, le pays ne paroît pas montagneux ; cette côte est remplie de rochers qui avancent en la mer, ce qui fait qu’elle est fort dangereuse à aborder.

☞ A trois ou quatre lieues de-là on trouve un port, où il y a une petite riviére qui entre assez avant dans les terres. Le port est bon, & des vaisseaux de raisonnable grandeur y peuvent mouiller en toute sûreté. Il s’appelle le Port du Cap Maigre. Tous les bois y sont semblables à ceux que j’ai nommés. La terre y est bonne, & la pêche de la morue fort avantageuse.

☞ Passant au-delà, on trouve une grande isle qui fait un bon port entre la terre & elle, qui se nomme le Port aux Moutons. Les vaisseaux y peuvent entrer & sortir des deux côtés. On y pêche de la morue en avançant deux lieues ou deux lieues & demie, & on la fait sécher sur des vignaux. L’isle est couverte de bois, & il y a force sapins. Au derriére de cette isle vers la grande terre, est une grande baie qui a bien trois bonnes lieues de large & autant de profondeur ; dans le fond il y a deux petites riviéres où l’on ne peut entrer bien avant avec des chaloupes, à cause des gros rochers qui y sont en grand nombre ; la terre y est quasi toute couverte de pierres ; il ne s’y voit point de montagnes au


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